Public Story : Toschdy Zem, la classe inclassable

Public Story : Toschdy Zem, la classe inclassable

Depuis ses débuts au cinéma il y a plus de trente ans, l'acteur trace sa route avec brio, sans faire de vagues. Le portrait d'un homme aussi discret que talentueux et unique en son genre.

Commissaire de police, voyou, président de la République française, gigolo et toxicomane. Qui peut se targuer d'un tel parcours à seulement 56 ans ? Personne... Sauf peut-être Roschdy Zem. Et pourtant, il ne faut pas compter sur lui pour frimer. Les paillettes et le bling-bling ne sont pas pour lui. "Rosch déteste être avec les VIP", a tout simplement constaté le réalisateur Xavier Beauvois dans M, Le Magazine du Monde 2019. Et si certains de ses collègues quadragénaires ou quinquagénaires profitent de leur notoriété pour séduire à tout va, notamment des jeunes et jolies femmes de quelques années plus jeunes que lui, ce n'est pas le genre de la maison. Roschdy Zem a été longtemps marié et depuis sa séparation, ses conquêtes se comptent sur les doigts d'une main et elles sont loin, très loin d'être des poupées cathodiques pour débutants (voir encadré). Il n'y a pas non plus de scandale de drogue ou d'alcool, ni de réputation sulfureuse. Pire, ou plutôt mieux : quand il a (enfin) reçu son premier César du meilleur acteur en 2020 pour son rôle dans Roubaix, une lumière, il n'en revenait pas. "Je pensais que ce genre de récompense était réservé aux autres. J'ai sous-estimé l'émotion : c'était comme si on atteignait quelque chose d'inaccessible", a-t-il déclaré dans Madame Figaro.

Il ne semble pas bluffer. Ses émotions semblent sincères. Roschdy a tout fait pour mériter sa reconnaissance et sa notoriété. Le petit Roschy Zamzem, de son nom complet, a vu le jour le 28 septembre 1965 à Gennevilliers dans une famille d'origine marocaine.

Le monde du cinéma est à des kilomètres de son quotidien. Ses parents se sont installés en France dans les années 1960. La famille vit dans des conditions très précaires dans un bidonville. Le petit Roschdy est placé dans une famille d'accueil jusqu'à l'âge de cinq ans. Lorsque son père, ouvrier du bâtiment, et sa mère, femme au foyer (Roschdy a trois frères et une sœur), obtiennent un logement social à Drancy, il les rejoint. C'est donc dans cette commune de Seine-Saint-Denis, souvent stigmatisée, qu'il vit sa jeunesse. "J'ai grandi en Seine-Saint-Denis, où il y a des gens de toutes les religions. Donc on n'en parlait pas. Cela faisait partie de l'intimité. On se recevait entre locataires HLM à l'occasion d'une communion, d'une bar-mitsva ou de la fête de l'Aïd. Et cela ne posait pas de problème", confiait-il au Figaro en 2006. En somme, une enfance plutôt tranquille dans une ambiance mixte et conviviale. Son meilleur ami de l'époque, qu'il fréquente encore aujourd'hui, est le fils d'une famille juive vivant à quelques pas de la sienne.

Lui et son fils Chad n'ont pas eu une enfance facile, mais il est un père sévère mais aimant.

SA CARRIÈRE

CEUX QUI M'AIMENT PRENDRONT LE TRAIN : Patrice Chéreau est l'un des premiers à lui donner sa chance au cinéma, avec Éric Rochant, Laetitia Masson et André Téchiné. Roschdy se hisse rapidement dans la cour des grands.

VA, VIS ET DEVIENS : Pour mieux correspondre à son personnage dans le film du réalisateur Radu Mihaileanu, Roschdy apprend l'hébreu. Il joue dans le film le rôle de l'actrice israélienne Yaël Abecassis.

MAUVAISE FOI : Pour son premier long métrage en tant que réalisateur, Roschdy s'est inspiré de sa propre vie et raconte l'histoire d'un professeur de musique musulman qui fonde une famille avec Clara, une psychomotricienne juive.

INDIGÈNES : Roschdy a reçu le prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes pour ce film de Rachid Bouchareb aux côtés de Jamel Debbouze, Samy Naceri, Sami Bouajila et Bernard Blancan.

OMAR M'A TUER : Pour son deuxième long métrage en tant que réalisateur, il a décidé de s'inspirer de l'un des faits divers les plus connus de France, l'affaire Omar Raddad.

CHOCOLAT : pour son quatrième long métrage en tant que réalisateur, il a adapté l'histoire du clown Chocolat avec Omar Sy dans le rôle principal. Le film a été vendu dans près de quarante pays.

LES SAUVAGES : dans cette série très réussie de Rebecca Zlotowski, produite et diffusée par Canal +, il joue un président de la République française intègre et attaqué.

ROUBAIX, UNE LUMIÈRE : Roschdy obtient pour la première fois le César du meilleur acteur grâce à son rôle de commissaire dans le beau film d'Arnaud Desplechin. L'année suivante, il sera le maître de cérémonie de la cérémonie des César.

ENQUÊTE SUR UN SCANDALE D'ÉTAT : Roschdy brille dans ce thriller de Thierry de Peretti, inspiré d'une histoire vraie et du livre L'Infiltré - De la chasse du Chapo Guzman au scandale français des stups, paru en 2017 et écrit par Hubert Avoine, un ancien agent infiltré, et Emmanuel Fansten, journaliste à Libération.

La force tranquille

Aure Atika : Les deux acteurs ont tourné ensemble en 2004 dans le film Ten'ja de Hassan Legzouli, et dans la foulée, l'actrice lui a proposé de jouer dans son premier court métrage À quoi ça sert de voter écolo ?

Roschdy n'est ni un élève brillant ni un imbécile. Pourtant, à 17 ans, le jeune homme quitte l'école pour entrer dans la vie active. Il choisit de s'engager dans l'armée, surtout pour obtenir rapidement un salaire décent, mais lorsqu'il se rend compte que son premier salaire n'est dû qu'après un an de service militaire obligatoire, il change de cap. Direction ... Marché aux puces de Clignancourt. Là-bas, il travaille tous les week-ends du côté des brocanteurs. En semaine, il commence à participer à des castings, un peu par hasard, un peu par curiosité. Il jure encore aujourd'hui qu'il n'avait pas en tête l'objectif d'une grande carrière et le désir de célébrité. Fausse modestie ou pas, le talent était déjà en germe. Et le monde du septième art s'en rendra vite compte. Il commence par faire un peu de figuration et fait rapidement les yeux doux au cinéma d'auteur. C'est en observant comment les clients et les vendeurs se mélangent au marché aux puces le week-end que le jeune homme puise l'inspiration pour sa performance d'acteur. C'est là que se trouvent la subtilité et l'intelligence qui feront la différence. Roschdy fait son entrée dans le cinéma d'auteur, mais pas seulement. Il séduit par sa présence, son charisme et sa force de travail. A l'écran et au théâtre, on ne le limite pas à des personnages portant des noms comme Omar ou Bachir, il est aussi Joseph, Antoine et Thierry. A ses débuts, il pensait que le fait qu'on ne le cantonne pas à des rôles issus de l'immigration allait ébranler les idées reçues au cinéma et dans la société. Avec le recul, il pense que la société a toujours été prête à le faire. "Si l'on parle beaucoup de racisme et de discrimination aujourd'hui, je suis celui qui ne peut pas s'en plaindre", explique-t-il dans GQ en 2021. Pourtant, il ne nie pas que le racisme existe. Son fils, par exemple, l'a déjà vécu et il se dit que son éducation privilégiée lui a permis de s'en remettre, ce qui n'est probablement pas si facile pour ceux qui grandissent dans les cités. Ce n'est pas du politiquement correct, c'est simplement ce qu'il pense. Il est plus du genre tortue que lapin, actif mais toujours observateur. Je suis très, très patient", expliquait-il en février 2021 dans GQ. Dans tous les domaines. Je peux attendre deux ou trois ans pour une femme. Ce n'est pas un problème pour moi si je sens qu'il y a une possibilité. Je pense par exemple qu'il vaut mieux avoir un César à 55 ans qu'à 25 ans. On m'a laissé travailler tranquillement toutes ces années. J'ai pu apprendre mon métier, m'épanouir, sans sentir qu'au premier faux pas, une chape de plomb s'abattrait sur moi". En 2020, il a joué une pièce pointue dans un théâtre parisien et a estimé dans Madame Figaro qu'on l'avait "trop vu au cinéma" ces derniers temps. Aujourd'hui, il est de retour pour notre plus grand plaisir. Acteur, metteur en scène reconnu, icône du zem, éloge de la modération et du talent à lui tout seul, il n'a certes pas fini de nous surprendre. Mais toujours avec subtilité. La classe, la vraie classe. ¦

Aussi patient pour sa carrière qu'avec les femmes !

Il fait l'unanimité !

Rares sont les acteurs qui sont aussi appréciés de leurs collègues que Roschdy Zem. Tout simplement parce qu'il est impossible, à notre connaissance, de trouver un de ses collègues qui lui crache dessus ! Sa filmographie en est un bon exemple, puisque des réalisateurs aussi connus que Xavier Beauvois, Arnaud Desplechin, Rachid Bouchareb et André Téchiné l'ont engagé, certains même à plusieurs reprises. Et lorsque ses amis acteurs passent derrière la caméra, ils font souvent appel à lui, comme Yvan Attal, Antoine de Caunes, Laurent Baffie, Pascal Elbé ou encore Aure Atika.

On dit qu'il est tombé amoureux d'une célèbre journaliste...

Roschdy a vécu pendant des décennies avec Nicole, une psychologue qu'il a rencontrée bien avant de devenir un acteur à succès. Elle est juive, il est musulman, et leur histoire l'a en partie inspiré pour son premier film en tant que réalisateur, Mauvaise foi, sorti en 2006. Le couple a deux enfants et se sépare vers 2018. Le beau brun d'1,90 m a alors passé beaucoup de temps avec une célèbre décoratrice, ex d'un célèbre chanteur. Il y a quelques mois, des rumeurs le disaient proche de l'ancienne star du 20 heures Claire Chazal, mais même si leur proximité est réelle, elle serait avant tout amicale.

Ultra-supporter du PSG... et du golf !

Depuis qu'il a posé le pied au Parc des Princes pour la première fois, il y a une trentaine d'années, il est un supporter du club et défend ses joueurs coûte que coûte. "Ils ont tous les droits de faire des erreurs, de mal jouer, de perdre. Quoi qu'ils fassent, c'est mon équipe !" jure-t-il dans M le Magazine du Monde, 2019. Même s'il admire le football, en privé, il tape surtout la balle de golf. "C'est un sport où l'on ne peut pas tricher, contrairement à la boxe ou au football", explique-t-il dans Le Monde en 2019. Il participe même à des compétitions en France et a déjà obtenu des classements.