Nous sommes en juin 2003. Jessica Chastain, 26 ans, est à trois jours d'obtenir son diplôme de la Juilliard School, la prestigieuse école de musique et de théâtre de New York. Elle rêve d'entrer dans cette institution depuis qu'elle a sept ans, lorsque sa grand-mère Marilyn l'a emmenée pour la première fois au théâtre. Le fait qu'elle soit sur le point de devenir lauréate de cette institution est une sorte d'accomplissement pour la jeune actrice. Dès le début, les directeurs de l'école ont cru au talent de la rousse au teint de porcelaine et au sourire éclatant de Julia Roberts. Lorsqu'elle a joué une scène de Roméo et Juliette lors de l'examen d'entrée, ils ont été séduits par elle. Résultat : elle a obtenu cette année-là une bourse d'études financée par Robin Williams, l'un des célèbres diplômés de l'école. L'avenir s'annonçait radieux pour cette élève comédienne anxieuse mais ouverte sur le monde. Mais une terrible nouvelle est venue assombrir son champ de vision : Juliet, sa jeune sœur de 24 ans, s'est suicidée avec un pistolet. Lorsque Jessica apprend la nouvelle, le sol semble se dérober sous ses pieds. Elle sait que Juliet a toujours été la plus faible des deux, qu'elle avait des problèmes de drogue et qu'elle luttait contre la dépression depuis dix ans... "Elle avait fait plusieurs tentatives de suicide, mais on ne pense jamais que ça va arriver, même si on sait au fond de soi que ça va arriver", confiait Jessica au magazine People en 2016, deux ans après un autre suicide marquant : celui de son parrain Robin Williams. Deux morts tragiques comme un fatum. Jessica Chastain est une enfant d'adolescents. Michael Monasterio et Jerri Chastain étaient encore étudiants lorsque leurs deux filles sont nées. Papa est musicien de rock avec une tendance au glam metal à la Mötley Crüe, et son style de vie ne correspond pas à la vie de famille. Le mariage se brise et Jerri s'enfuit avec Jessica et Juliet pour commencer une nouvelle vie à Sacramento (Californie) avec Michael Hastey, un pompier. Un métier qui, à première vue, semble plus fiable et plus sûr que celui de loser rocker. C'est en tout cas l'avis de Jessica, qui considère Hastey comme son vrai père et qui, contrairement à Juliet, refuse de reprendre contact avec son géniteur, décédé en février 2013 des suites de complications d'une bronchite. Jessica grandit donc à Sacramento entre un demi-frère et sa sœur Juliet, son beau-père et Jerri, sa mère, devenue entre-temps cuisinière végétalienne. À l'école, Jessica n'est pas vraiment une tête brûlée. Mauvaise élève, ses camarades de classe se moquent de ses cheveux roux. "J'ai passé mon enfance et mon adolescence dans un environnement qui ne me convenait pas. Nous avions très peu d'argent. Avoir des moments difficiles, je sais ce que c'est", résumait-elle en octobre 2014 dans le magazine Paris Match.
2011 : THE TREE OF LIFE
Devant la caméra du maître réalisateur Terrence Malick, elle joue une mère au grand cœur. Jessica est la révélation du 64e Festival de Cannes. Sa carrière est lancée.
"J'ai passé mon enfance dans un environnement qui ne me convenait pas".
2013 : ZERO DARK THIRTY
En tant qu'agent du FBI qui traque Ben Laden, elle remporte un Golden Globe. Le film, réalisé par Kathryn Bigelow, est nominé pour cinq Oscars.
2014 : INTERSTELLAR
Dans le blockbuster métaphysique de Christopher Nolan, elle joue une fille d'astronaute restée au sol. 700 millions de dollars de recettes. Elle porte chance...
2014 : UNE ANNÉE DES PLUS VIOLENTES
Sous la direction de J.C. Chandor, elle joue une femme d'affaires défaillante dans le New York de 1981. Perruque blonde et total look Armani...
2017 : MISS SLOANE
Dans le film de John Madden, elle joue une lobbyiste sans scrupules qui trouve un adversaire à sa hauteur, incarné par Sam Waterson. Les critiques l'adorent, le public moins...
2017 : LE GRAND JEU
Une plongée dans le monde du poker, où elle se révèle aussi époustouflante que rayonnante. Un récit ample d'Aaron Sorkin, nerveux et virtuose.
2019 : X-MEN : DARK PHOENIX
DARK PHOENIXElle rejoint l'équipe des mutants de Marvel pour cet épisode des X-Men. Soit une incursion dans le cinéma de super-héros qui confirme son statut de star.
2022 : DANS LES YEUX DE TAMMY FAYE
Sous la direction de Michael Showalter, un biopic sur une évangéliste chantante de la télévision qui a marqué les années 80 avant de sombrer dans les années 90.
2022 : THE GOOD NURSE (LA BONNE INFIRMIÈRE)
L'histoire vraie d'une infirmière qui aide deux policiers à retrouver la trace d'un tueur en série. Un film réalisé par Tobias Lindholm, bientôt disponible sur Netflix.
Un mariage et deux gestations pour autrui
Le 10 juin 2017, Jessica Michelle Chastain a épousé le comte Gian Luca Passi de Preposulo, un cadre supérieur de l'industrie de la mode travaillant notamment pour Armani et Moncler, dans le cadre époustouflant de la Villa Tiepolo Passi, près de Bergame, dans le nord de l'Italie. Un mariage ultra-classe avec des apparitions en guest star d'Anne Hathaway et Emily Blunt. De cette union naîtront deux enfants par le biais d'une mère porteuse : Giulietta, née en 2018, et un bébé qui naîtra en 2020 et dont le nom et le sexe sont inconnus. Deux enfants et un beau comte italien de cinq ans son cadet - la vita è bella per Jessica !
Une féministe qui ne plaisante pas
Une chose est sûre : le féminisme de Jessica Chastain est tout sauf faux ou opportuniste. Ainsi, dès le début de l'affaire #metoo, elle n'a pas hésité à monter au front pour attaquer dans la presse le tout-puissant Harvey Weinstein. "Il a essayé de me faire présenter ma meilleure amie Jess Weixler : 'Oh, je la trouve si mignonne, tu dois m'aider!'", a déclaré Jessica au Evening Standard en 2017. Plus tard, elle a craint pour sa carrière après avoir tenu de tels propos, mais sa nomination aux Golden Globes pour Le grand jeu l'a finalement soulagée. Harvey est tombé, Jessica est restée...
Lorsque sa grand-mère Marilyn, rousse elle aussi, lui a fait découvrir l'art de la comédie, elle a été conquise. "Je ne me suis pas dit : "Voilà ce que je veux être", mais "voilà ce que je suis"". (Paris Match, octobre 2014) Malgré les réticences de son entourage, plutôt circonspect face à ses ambitions d'actrice, Jessica maintient le cap jusqu'à la Juilliard de Manhattan, la plus grande école d'art dramatique des États-Unis. Un beau parcours, qui n'était pas gagné d'avance, mais qui en dit long sur le talent exceptionnel de Chastain et sa motivation. Après le suicide de Juliet, l'actrice s'est installée à Los Angeles, où elle a connu la galère des faux projets et des rendez-vous manqués : "J'ai commencé par le théâtre, où l'apparence n'est pas essentielle. Le jeu passe avant tout. Lorsque je me présentais à un casting, j'arrivais décoiffée, sans maquillage et habillée de manière inappropriée. Dans ces conditions, il est difficile de faire partie de la sélection". (Paris Match, janvier 2018) Retour à New York et Boston pour le théâtre et c'est lors d'une de ses représentations que Marthe Keller a découvert Jessica en 2005, alors qu'elle jouait dans La Cerisaie, O ff Broadway. L'actrice suisse en parle à son collègue Al Pacino, avec qui elle est très amie, et celui-ci engage Miss Chastain en 2011 dans sa pièce et son film Salomé d'après Oscar Wilde. En mai de la même année, elle s'est retrouvée entre Brad Pitt et Sean Penn sur les marches du Palais du Festival de Cannes pour The Tree of Life de Terrence Malick, qui a remporté la Palme d'or. S'ensuivirent dix années au sommet, durant lesquelles Jessica devint une parfaite star hollywoodienne, jouant sur tous les tableaux : véganisme, féminisme, antitrumpisme, un beau mariage avec un aristocrate italien... Et pourtant, elle avait un supplément d'âme qui s'exprimait dans son intelligence et son jeu théâtral et qui faisait sa singularité. Elle préfère ainsi vivre à New York plutôt qu'à Los Angeles et souligne régulièrement dans ses interviews son admiration pour Isabelle Huppert ou le cinéaste Olivier Assayas. Pour le biopic Dans les yeux de Tammy Faye de Michael Showalter, en lice pour les prochains Golden Globes et Oscars, elle joue une évangéliste de la télévision accusée de fraude et de détournement de fonds dans les années 80. Jessica Chastain, méconnaissable sous un maquillage semi-permanent outrancier, livre une performance de haut vol en femme freak, effrayante et captivante, emblématique d'une certaine époque et d'une certaine Amérique. Un rôle en forme de coup de maître qui lui vaudra un Oscar ? L'actrice de 45 ans n'y pense pas trop, car depuis le suicide de Juliet, Jessica a appris à distinguer l'utile du futile, comme elle l'expliquait en décembre 2014 dans InStyle : "La mort de ma sœur, ça a complètement changé la personne que je suis. Un Oscar, un film, la haute couture, les mauvaises rumeurs, etc. Rien de tout cela n'a vraiment d'importance". ¦
"La mort de ma sœur - cela a complètement changé la personne que je suis".
Une ambassadrice stylée
Dans le style d'une spectaculaire beauté rousse, Jessica a tout d'une Katharine Hepburn, d'une Barbara Stanwyck ou, plus récemment, d'une Nicole Kidman. Il n'est donc pas étonnant que les grandes marques se l'arrachent et profitent de son aura classiste et sexy, notamment les montres Piaget et Ralph Lauren (Parfum Woman).
Une productrice intelligente
Depuis 2016, elle a fondé sa propre société de production, Freckle Films, avec la ferme volonté de réaliser des projets en lien avec les femmes. Elle a ainsi produit les films d'action Ava et 355, tournés exclusivement par des femmes et qui ont bien marché au box-office. Cela alla si loin qu'elle créa un nouveau genre, la "womenploitation". Girl Power !