Ce soir-là, en février 2004, Gérard Depardieu a décidé de se faire remarquer pour la 29e fois. Sa fille Julie Depardieu, 30 ans, allait recevoir deux prix : celui du meilleur espoir féminin et celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour sa prestation dans La Petite Lili de Claude Miller. Sur la scène du Théâtre du Châtelet, alors que la jeune lauréate s'apprêtait à faire un petit discours, son père a surgi à côté d'elle pour la féliciter : "Je ne veux pas faire mon Gainsbourg", a-t-il ri, un peu allumé. Julie, très gênée, tente alors de faire diversion avec une blague en prenant à témoin les personnes présentes : "Mon père est partout. Il est là, c'est mon fardeau. Quelque part, il me précède partout, mais je me suis résignée". Le public du Châtelet rit un peu jaune, conscient de l'adage selon lequel "il n'y a pas d'humour innocent". Pas facile d'être la fille d'un monument vivant du cinéma français quand la profession vous décerne même deux Césars - une première - en une seule soirée.
"Je ne me supportais pas moi-même"
D'autant que le poids de cette célébrité familiale a été façonné dès l'enfance de Julie, à Bougival, dans les Yvelines. "Je me souviens que j'avais cinq ans et que les gens autour de moi avaient peur de la démesure de mon père. J'ai grandi dans un environnement très versaillais. A l'époque - c'était au début des années 80 - il était très mal vu de se montrer nu à l'écran. Je me sentais mal à l'aise et je craignais de voir des reproches dans les yeux des parents de mes amies. J'avais l'impression qu'ils pensaient que mon père était une star du porno", écrivait-elle en octobre 2006 dans le magazine Par i s Match. A cette époque, Gérard Depardieu était encore, aux yeux de la plupart des Français, le Loulou de Pialat, un acteur un peu étrange, un peu nouille, qui tournait des films durs comme Maîtresse de Barbet Schroeder, un long métrage qui abordait les pratiques BDSM avec un réalisme particulièrement cru. C'est dix ans avant le Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, dix ans avant que Gérard Depardieu ne devienne notre "Gégé national". Julie est alors une petite fille anxieuse, née en 1973 pendant le tournage des Valseuses. Elle souffre d'une timidité maladive et se réfugie dans le silence jusqu'à l'âge de 20 ans. Elle fantasme sur la normalité et rêve d'avoir un père banquier ou cadre chez Péchiney.
Sa carrière
1999 : PEUT-ÊTRE
Une apparition remarquée dans ce film de science-fiction de Cédric Klapisch avec Romain Duris, Jean-Paul Belmondo et Géraldine Pailhas.
2003 : LA PETITE LILI
Réalisé par Claude Miller, un film pour lequel elle a reçu deux Césars. Avec Un secret, également réalisé par Claude Miller, elle obtient un autre César en 2008.
2004 : PODIUM
Dans cette comédie de Yann Moix, basée sur son roman éponyme, elle joue l'épouse délaissée d'un sosie de Claude François, incarné par Benoît Poelvoorde.
2007 : RUSH HOUR 3
Une incursion dans la comédie d'action hollywoodienne, où elle côtoie Jackie Chan et Chris Tucker sous la direction de Brett Ratner.
2008 : LE BAL DES ACTRICES
DES ACTRICESDans cette comédie autofictionnelle à succès de Maïwenn Le Besco, elle incarne son propre rôle.
2014 : MAGNUM
Un film complètement déjanté, à l'image de son réalisateur Philippe Katerine.
L'occasion pour Julie de donner un coup de main à son compagnon.
2016 : QUELLE FAMILLE !!!
Une comédie familiale à succès de Gabriel-Julien Laferrière, qui donnera lieu à deux suites et lui permettra d'acquérir une solide popularité.
2022 : ZAÏE, ZAÏE, ZAÏE, ZAÏE !
de François Desagnat, une adaptation cinématographique d'une célèbre bande dessinée de Fabcaro. L'alchimie entre Julie et Jean-Paul Rouve fonctionne à merveille.
La (belle) vie de famille avec Philippe Katerine, Billy et Alfred.
Julie rencontre Philippe Katerine pour la première fois en 2008 lors d'une séance photo commune pour le magazine Télérama. À ce moment-là, les deux sont déjà casés et il n'y a pas l'ombre d'un crush à signaler. "Ce jour-là, j'ai rencontré quelqu'un avec qui je n'aurais jamais pensé vivre (...), avec qui je ne suis d'accord sur rien", (Paris Match, septembre 2010). Deux ans plus tard, lors du tournage du film Je suis un no man's land de Thierry Jousse, le ton a changé et l'actrice et le chanteur se sont rapprochés. De cet amour inattendu sont nés
sont nés Billy, 10 ans, et Alfred, 9 ans. Le prénom Billy a été proposé par son amie Arielle Dombasle. "J'aimais bien Billy Idol, mon frère aussi. Plus tard, nous avons découvert que Bill était le diminutif de William, qui est la version anglaise du prénom Guillaume. Le hasard fait bien les choses", (Paris Match, janvier 2021).
Julie ressemble à Gérard, et dans la rue, des jeunes qui ne savent pas qui elle est l'abordent en lui disant : "Tu ressembles à Depardieu, mais avec les cheveux longs. Tu as le même nez que lui !" Elle déteste qu'on lui dise cela et entreprend d'ailleurs à cinq reprises une rhinoplastie. "Je ne me supportais pas moi-même. Ce n'était même pas une question d'être belle. Je ne voulais pas avoir ce nez", expliquait l'actrice en 2013 dans Le Monde. Elle étudie la philosophie à l'université de Nanterre et s'imprègne des textes de Kant et de Levinas. En parallèle, elle enchaîne les petits boulots (costumière, maquilleuse...) dans le milieu du cinéma, mais n'envisage pas une seconde de devenir actrice. "Mon rêve était de devenir agent artistique pour des chanteurs d'opéra", se souvient cette passionnée de musique classique (voir encadré) dans les C o l o n n e s d e Télé 7 Jours (février 2022). Son entrée dans le métier d'actrice s'est faite un peu par hasard. Dans les années 90, elle se lie d'amitié avec la compagne de la réalisatrice Josée Dayan, experte en fictions patrimoniales.
Sa grande passion : la musique classique
De 2001 à 2008, Julie a vécu une histoire d'amour musicale avec le violoniste Laurent Korsia.
Julie est une grande mélomane : "J'adore mon métier, mais ma passion reste la musique", a-t-elle déclaré en février dans Télé 7 Jours, où elle possède une centaine de disques et se promène avec un appareil relié à Radio Classique. pour la télévision française. Alors que le tournage du Colonel Chabert d'après Balzac commençait, une actrice s'est désistée. Julie, qui a goûté un peu au théâtre à l'université, est appelée à la rescousse et réussit l'épreuve avec brio. Passionnée de philosophie hébraïque, une citation d'un commentateur de la Torah lui est venue à l'esprit : "Ce qui compte, ce n'est pas qui tu es, mais où tu es", et l'atmosphère d'un plateau de tournage lui convenait manifestement parfaitement. Dix ans plus tard, elle était honorée par les Césars grâce au cinéaste Claude Miller, spécialiste du coaching des "filles de" timides, qui avait mis en lumière le talent de Charlotte Gainsbourg 20 ans plus tôt avec L'Effronté et La Petite Voleuse. Avec ses rôles au cinéma, au théâtre et à la télévision, le public a découvert une femme pétillante, atypique, mélomane et érudite. Et quand Guillaume Depardieu est décédé en 2008, c'est elle qui a pris les choses en main pour rendre hommage à son frère bien-aimé. Julie, que certains avaient un peu vite rangée dans la case des actrices prétentieuses, a gagné en maturité. Sa sérénité retrouvée se traduit par le fait qu'elle a pacifié sa relation avec son père, qu'elle appelle Gérard, et qu'elle est retournée vivre à Bougival, loin de l'agitation parisienne. Il y a un an, Julie évoquait dans une interview à Télé Z sa relation moins difficile avec son père star : "Avec le temps, elle est devenue moins conflictuelle, d'autant qu'il aime son gendre et ses deux petits-enfants. Comme c'est un excellent cuisinier, Gérard aime venir chez moi et cuisiner pour nous", a expliqué l'actrice, ajoutant en riant : "Il vient avec tous les produits, prépare le repas et après le déjeuner, il débarrasse, fait absolument la vaisselle à la main et nettoie toute la cuisine avant de s'en aller. Pour une prestation culinaire à domicile, c'est mon meilleur allié en termes de rapport qualité-prix !" Les plaisirs de la table associés à l'humour comme solution à tous les maux. C'est comme ça que ça se passe chez les Depardieu. ¦
Victime d'un chantage à la sextape
Durant l'été 2010, Julie a été victime d'une tentative de chantage après avoir passé une nuit avec un homme de 34 ans et avoir eu un black-out. Le lendemain, il a disparu et Julie ne se souvient plus du déroulement de la nuit précédente. Quelques jours plus tard, la fille de Gérard Depardieu reçoit un appel de cet homme qui lui dit : "J'ai filmé nos ébats et si tu ne veux pas que je transmette la vidéo à la presse people, tu dois me donner 130 000 € !". Comme l'actrice n'a pas paniqué, elle a alors appelé son avocat, qui a mis la police sur l'affaire. Tout est rentré dans l'ordre, le maître chanteur a été rapidement arrêté ...
Même quand on reçoit un César, il n'est pas facile d'être la fille de Gégé Depardieu, l'empereur du cinéma français. Entre eux, les relations ont parfois été tendues, mais elles se sont pacifiées avec l'arrivée des petits-enfants.
"Gérard aime venir chez moi et nous préparer des petits plats".
Guillaume, son frère, sa blessure
Le 13 octobre 2008, Guillaume Depardieu a été terrassé par une pneumonie à l'âge de 37 ans.
Un véritable coup du sort pour Julie qui, durant les six derniers mois de sa vie, s'était fâchée contre lui à cause de ses excès. Pour honorer la mémoire de l'artiste parti trop tôt, elle lui a consacré un documentaire sensible en 2014. Un an plus tôt, c'est également elle qui s'est occupée de la sortie du CD de son frère, intitulé Post Mortem. Et c'est toujours elle qui, chaque fois qu'elle le peut, s'occupe de la fille de Guillaume, Louise, aujourd'hui âgée de 20 ans et devenue orpheline après la mort de sa mère.
Lors de l'enterrement de mon frère, alors qu'elle n'était encore qu'une enfant, elle m'a dit : "Ne pleure pas, ma tante. Il est mieux là où il est", s'est souvenue Julie dans Paris Match en janvier 2021.