"Quand on critique les Tuche, j'ai l'impression qu'on parle mal des amis", déclarait Jean-Paul Rouve en octobre dans Sept à Huit. Le magazine de TF1 lui consacrait alors son incontournable portrait hebdomadaire. Rien d'étonnant quand on connaît la popularité de l'homme. A 54 ans, il fait partie des acteurs les plus appréciés du public français. C'est surtout grâce à son rôle dans la série Les Tuche, qu'il défend bec et ongles, qu'il s'est imposé comme une valeur sûre de la comédie sur le grand et le petit écran. Le premier volet, sorti il y a dix ans, a fait 1,5 million d'entrées au box-office. En 2016, le deuxième film a atteint 4,6 millions de spectateurs et le troisième, en 2018, 5,6 millions. Une hausse plutôt rare dans les sagas, puisque c'est généralement le premier volet qui attire le plus de curieux. Mais la France aime Jeff Tuche et son acteur. Jean-Paul Rouve, 1,85 m, cheveux en bataille et carrure filiforme de géant maladroit, n'a pas attendu la cinquantaine pour trouver son créneau : l'humour. Quelle meilleure arme de socialisation massive, dans les cours de récréation comme au cinéma, si l'on n'a pas le physique d'un jeune primate ? "Une arme et une protection d'une valeur inestimable", expliquait l'acteur au Monde en août 2020. Quand j'étais enfant, j'étais d'une timidité maladive. Je me trouvais laid. Comme nous ne partions pas en vacances, le jour de la rentrée, j'étais tout blanc à la piscine. Mais le jour où tu as dit : 'Je suis un cachet d'aspirine, je suis soluble dans l'eau', tu as trouvé la parade". Sauf que Jean-Paul Rouve est loin de n'être que le boute-en-train de service. Né le 26 janvier 1967 à Dunkerque, il est fils unique. Un petit miracle, car lors de l'accouchement, les médecins annoncent à son père qu'un seul des deux survivra, soit le bébé, soit la mère. Heureusement, le destin leur donnera tort. Marcel, son père, est issu d'un milieu agricole très populaire. Il a neuf frères et sœurs et travaille à la ferme pour son père, un agriculteur qui n'hésite pas à lever la main sur ses enfants. Dans plusieurs interviews, Jean-Paul a dit de son grand-père : "Une vraie ordure".
Sa carrière
1996 : LES ROBINS DES BOIS La bande, qui s'est rencontrée au Cours Florent, est remarquée au théâtre par Dominique Farrugia et explose sur Comédie ! et Canal +.
1999 : KARNAVAL JP obtient son premier rôle important dans ce film social tourné à Dunkerque, sa ville natale, dans lequel il donne la réplique à Sylvie Testud et prouve qu'il n'est pas qu'un rigolo.
2002 : MONSIEUR BATIGNOLE Avec son rôle de collaborateur dans la France occupée dans ce film de l'acteur et réalisateur Gérard Jugnot, il remporte le César du meilleur espoir masculin.
2006 : NOS JOURS HEUREUX JP tourne pour la deuxième fois une comédie populaire avec Éric Toledano et Olivier Nakache. Le film attirera 1,43 million de spectateurs. Il retrouve le duo de réalisateurs en 2017 dans Le Sens de la fête.
2008 : SANS ARME, NI HAINE, NI VIOLENCE Dans son premier film à la fois derrière et devant la caméra, Jean-Paul Rouve retrace la vie d'Albert Spaggiari, figure du crime organisé dans les années 1970.
2011 : LES TUCHE Le film d'Olivier Baroux fait un tabac dans les salles obscures. Aujourd'hui, même l'intelligentsia du cinéma et de la culture se moque des escapades de l'inénarrable famille Tuche.
2015 : LES SOUVENIRS Après Quand je serai petit en 2012, le réalisateur de JP signe son troisième film, subtile adaptation du roman éponyme de son ami David Foenkinos.
2021 : LES TUCHE 4 Deux fois repoussé, le quatrième volet de la saga des Tuche peut enfin débarquer au cinéma, pour le plus grand plaisir de ses fans !
Ni beau, ni beauf !
Après la guerre d'Algérie, Marcel devient ouvrier sur les chantiers navals et fait la connaissance de Myriane. Elle est issue de la petite bourgeoisie. Son père était maire de Dunkerque et la famille voit d'un mauvais œil le fait qu'elle épouse un homme issu d'un milieu aussi modeste que Marcel. Jean-Paul évoque carrément une forme de mépris de sa famille maternelle à l'égard de son père. Lui-même n'en a jamais eu pour ses origines, bien au contraire. "J'ai une bonne vie, je n'ai pas de problèmes d'argent. Mais j'essaie de garder un pied dans une France que j'ai connue, une France de classe ouvrière, mais pas de zone non plus. Classe moyenne basse, on va dire", confie-t-il à Society en janvier 2021. Lorsque les chantiers navals de Dunkerque ferment, son père est mis à la rue à 50 ans. Il ne retrouvera jamais de travail. Un triste classique. Sa mère prend alors le relais avec des emplois mal payés qu'on appelle à l'époque des tuc, des travaux d'utilité collective. Le petit Jean-Paul rencontre beaucoup de Tuc, surtout parmi les collègues et les amis de son père. C'est sans doute la raison pour laquelle il refuse aujourd'hui qu'on se moque d'eux autrement qu'avec tendresse. Traitez-les de rednecks et vous serez reçu ! À l'école, JP est un élève moyen. Sous ses airs de rigolo, il a un fond de solitude et de mélancolie. Le cinéma est pour lui une révélation. Grâce aux films, il se met à lire, de Stevenson à Bukowski en passant par Radiguet. JP veut quitter Dunkerque et devenir acteur, rien d'autre. Il suit d'abord des cours au Centre dramatique national de Béthune et finit par abandonner ses études de lettres modernes après le baccalauréat (il a tout de même une licence) pour prendre des cours à Paris. Ce sera le Cours Florent avec une certaine Isabelle Nanty, la même femme qui est aujourd'hui son épouse aux Tuche. C'est là qu'il fait la connaissance de Marina Foï s, Pierre-François Martin-Laval, Maurice Barthélemy et Pascal Clément. Les Robin des Bois sont nés. Remarqué par un certain Dominique Farrugia, le groupe fait ses débuts à Comédie ! un an seulement après sa création en 1996. Jean-Paul, qui gagne sa vie en donnant des coups de fouet depuis son arrivée à Paris, n'en est pourtant pas à son coup d'essai à la télévision. En 1989, par exemple, il a fait la promotion de l'utilisation du préservatif et a incarné un brigadier dans la série Julie Lescaut. Sur Canal +, les Robin des Bois explosent et leur carrière respective prend son envol. Quinze ans après leur séparation, ils sont toujours copains comme cochons. Jean-Paul est fidèle aussi bien au travail qu'en amitié. Son cercle d'amis ? Renaud, Gérard Depardieu, Benoît Magimel, Benoît Poelvoorde ou encore Alain Chabat et l'écrivain David Foenkinos. Avec ce dernier, il a déjà coécrit et réalisé deux longs métrages, Les Souvenirs, sorti en 2015, et Lola et ses frères, sorti en 2018. Ses films en tant que réalisateur ont moins de succès que les grandes comédies dans lesquelles il joue en tant qu'acteur, mais ce n'est pas grave, car cet adepte du second degré, passionné d'art, de littérature et d'histoire, fait ce qu'il aime. A l'écran, il se trouve en général "moyen+, moyen-", comme il le confiait à Libération en 2020. Sa plus grande peur ? Que tout s'arrête. L'acteur a beau vivre aujourd'hui comme pas mal de l'élite intellectuelle arty-bobo, entre sa maison de Montmartre et celle qu'il s'est offerte pour les vacances dans un petit village du Luberon chic, il sera à jamais traumatisé par la mise à la rue de son père à 50 ans, et n'oubliera jamais "le monde des prolos" (Le Monde, août 2020). C'est sans doute ce qui fait sa singularité et son charme : les pieds bien ancrés dans le sol, le regard toujours vers le haut et l'humour en bandoulière ! ¦
Enthousiasmé par l'art, la littérature et l'histoire.
Podium
Sans armes, sans haine, sans violence
RRRrrr !!!
Rétrospective
Les Tuche
L'as de la transformation
Jean-Paul Rouve sait jouer de sa silhouette longiligne, mais c'est son côté Monsieur Tout-le-Monde qui lui permet de jouer avec son apparence à l'écran. Il peut ainsi se transformer en Michel Polnareff plus vrai que nature dans le film Podium de Yann Moix en 2004 ou en Albert Spaggiari dans son propre film Sans arme, ni haine, ni violence. On l'a également vu ultra chevelu dans RRRrrr !!! d'Alain Chabat et bien sûr plein de boucles en Jeff Tuche. En 2020, il se travestit en version très ancienne et très réaliste de lui-même pour l'émission Rétroscopie diffusée sur TMC. Vous avez dit caméléon ?
Jean-Paul Rouve, un papa Gaga ?
Peut-être pas, mais l'acteur est clairement fier de son fils unique, Clotaire, aujourd'hui âgé de 14 ans. Lorsqu'il anime le Burger Quiz diffusé sur TMC en 2019, il le fait venir sur le plateau et on découvre un joli préado aux cheveux châtain clair, parfait mélange de sa mère Bénédicte Martin et de son célèbre papa. "J'adore votre père !", s'amuse Jean-Paul Rouve en le présentant au public. Grand fan de mangas et de dessins, le jeune garçon combine habilement ses deux passions sur son compte Instagram @pencil_clot. Le talent en héritage !
Il a longtemps lutté avec son cœur ...
"C'est un cliché, mais comme j'étais timide, j'ai très vite trouvé l'humour pour me faire remarquer, surtout par les filles. Elles ne m'aimaient pas, j'étais très complexe physiquement, alors j'essayais d'être intelligent", racontait le Nordiste à Society en janvier dernier. Jean-Paul Rouve vivra une longue histoire d'amour avec la romancière Bénédicte Martin, aujourd'hui âgée de 43 ans. Ensemble, ils ont un fils, Clotaire, né en 2007. L'acteur, plutôt discret, s'est tout de même affiché à plusieurs reprises avec la jeune femme sur les tapis rouges. En 2011, il a également vécu une histoire d'amour avec le top model et l'actrice Noémie Lenoir, avant de se remettre en couple avec la mère de son fils, dont il est aujourd'hui à nouveau séparé.
Il n'est pas vraiment fan de Cyril Hanouna !
Jean-Paul Rouve et Cyril Hanouna se sont rencontrés au milieu des années 1990. L'acteur a fait ses débuts à Comédie ! et le futur animateur était alors l'assistant du chef Dominique Farrugia. Ils s'entendent plutôt bien, sans pour autant devenir amis. JP est invité à plusieurs reprises dans TPMP, mais depuis plusieurs années déjà, les relations entre Baba et lui ne sont plus au beau fixe. "Parodier Hanouna, c'est trop facile. Vous voulez que je montre qu'il est le degré zéro de la culture ? Et après ?", lance Jean-Paul en décembre 2020 dans Paris Match. Un mois plus tard, il en rajoute une couche dans Society avec ces mots : "J'essaie de ne pas juger, il ne tue personne, et puis chacun suit son chemin".
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Louise Monteil