C'était le 25 février dernier, lors de la cérémonie des César. Ce soir-là, Gilles Lellouche était assis à l'Olympia, au milieu de la crème du cinéma français, nommé face à Adam Driver et Pierre Niney, pour recevoir la précieuse statuette du meilleur acteur.
Derrière son masque noir, il était difficile de savoir s'il cachait un sourire ou réprimait une expression de déception... Lorsque Benoît Magimel a reçu le trophée tant convoité, il a en tout cas été le premier à lever les mains en l'air et à l'applaudir. Pas une seconde il n'a été jaloux ou rancunier... Il faut dire que l'acteur de 49 ans est un habitué des nominations pour la remise des prix. Il en a eu sept au total et à chaque fois, comme cette année pour son rôle dans BAC Nord, il est reparti bredouille. "Je n'ai jamais été accro aux récompenses, je n'ai jamais été premier de la classe, je ne le serai pas aujourd'hui", confiait-il avec philosophie au Journal du dimanche en août dernier, avouant tout de même avoir "senti un petit courant d'air froid dans la nuque, pas très agréable...".
Il faut dire que son film Le Grand Bain avait été nommé dix fois en 2019, mais n'avait remporté qu'un seul prix, celui du meilleur acteur dans un second rôle pour Philippe Katerine. Peu importe, au box-office, sa comédie douce-amère a fait un tabac, attirant plus de 4,2 millions de spectateurs dans les salles obscures. Ces dernières années, le brun à la cinquantaine précoce est devenu une figure incontournable du cinéma français, apprécié à la fois du public et des réalisateurs, à la fois populaires et exigeants. Gilles Lellouche a mis du temps à en arriver là.
Il est né le 5 juillet 1972 à Savigny-sur-Orge et a grandi avec son frère aîné Philippe à Fontainebleau. Leur mère Sylviane, une catholique bretonne, chante dans des galas puis tient une parfumerie. Son père Claude, juif d'Algérie, devient tour à tour maçon, bijoutier et chef comptable. Gilles est un enfant complexé et introverti. C'est pourquoi il se réfugie dans le dessin, le graffiti et la peinture. Son rêve est d'entrer à l'école des beaux-arts. Tout change au collège, grâce à une professeure de français qui lui fait découvrir le théâtre. "Je suis vraiment né, bien après ma naissance, dans le regard des filles en cours de français, quand j'ai joué Les Fourberies de Scapin à 12 ans devant toute la classe", confiait-il en 2018 à Paris Match. Le garçon timide n'est plus, du moins en apparence. Il devient rebelle, se fait renvoyer des lycées et ne rechigne pas à la bagarre. C'est d'ailleurs lors d'une de celles-ci qu'il gagne son nez retroussé. Mais le garçon aux cheveux noirs a aussi trouvé sa vocation. Il passe son baccalauréat et s'inscrit immédiatement après au Cours Florent.
Paris lui appartient, ou presque.
C'est un romantique !
Loin, très loin de l'image de dragueur infidèle et rusé qui lui colle à la peau, surtout depuis le film "Les Infidèles", Gilles est plutôt du genre sérieux avec les femmes. La preuve en est qu'il a été en couple avec Mélanie Doutey pendant onze ans, de 2002 à 2013. Ensemble, ils ont eu une fille, Ava, qui a aujourd'hui 12 ans. Il déclarait en 2012 dans Télé 7 jours : "Le jour où l'on devient volage, c'est le jour où l'on a cessé de croire en l'amour et en l'autre". Les deux ex-petits amis s'entendent bien et se partagent la garde de leur fille. Grand romantique, il a avoué être tombé amoureux une nouvelle fois à l'âge de 40 ans. Depuis 2015, il est en couple avec Alizée Guinochet, un ancien mannequin de 13 ans sa cadette, devenue entre-temps créatrice de bijoux et mère de la petite Dessa, née en 2011.
Il a commencé par réaliser des clips musicaux.
Avant de passer devant la caméra, Gilles Lellouche a commencé sa carrière en réalisant des clips musicaux avec son partenaire Tristan Aurouet, une trentaine au total. Ils ont notamment créé les titres Paradisiaque de MC Solaar en 1997 et That's My People de NTM en 1999. Dans un tout autre genre, ils ont également travaillé pour Isabelle Boulay, Dany Brillant ou Pascal Obispo. "On a fait un clip au Canada pour Isabelle Boulay, c'était une boîte interstellaire !", a-t-il avoué en janvier dans le podcast L'Argent de poche. "Dans un autre clip, je me suis retrouvé en Écosse, avec des bikers et des gens en kilt".
"À l'époque, pour être honnête, moi, le petit provincial issu d'une famille certes intelligente mais pas intellectuelle, je savais à peine ce qu'était l'homosexualité", racontait-il en 2017 dans Madame Figaro, se souvenant d'un de ses professeurs. Je pensais que le cinéma s'arrêtait à Bruce Willis". Gilles devient un vrai cinéphile et, après son diplôme, alors que les propositions de rôles ne se bousculent pas, il écrit un premier court-métrage avec son pote - qui l'est toujours -, Tristan Aurouet. Ils tournent quelques clips et Gilles joue dans quelques publicités pour McDonald's ou Cegetel. Au cinéma, ce n'est pas encore le cas. Yvan Attal lui offre tout de même un petit rôle dans Ma femme est une actrice, puis il fait deux rencontres décisives à la même époque : celle de l'amour avec Mélanie Doutey,
Ses looks en 2008
A ses débuts, l'acteur est devenu de plus en plus stylé, en grande partie grâce à ses rôles. Il avait l'image du beau gosse filiforme et bourru, préférant Marcel et Ray-Ban au costume trois pièces. Maintenant, avec sa barbe de trois jours, il est aussi élégant dans un smoking chic que dans des tenues décontractées. Ce presque quinquagénaire a de la classe ! Elle sera sa compagne pendant onze ans et celle d'un certain Guillaume Canet. Ils ne se quitteront plus. Guillaume le mène d'abord dans Mon idole, puis dans Ne le dis à personne et bien sûr dans Les Petits Mouchoirs, qui l'entraîneront dans le tourbillon de la célébrité à leur sortie en 2010. De son côté, il guide son ami dans son premier long métrage Narco, coécrit avec son complice Tristan Aurouet. On le retrouvera également dans Les Infidèles, son projet avec Jean Dujardin, un autre pote, et Le Grand Bain, sorti en 2018. Gilles est un homme fidèle, tant en amour qu'en amitié. Il vit dans le 5e arrondissement de Paris, chic et intellectuel, mais ne se dévoile pas beaucoup. Son truc à lui, c'est plutôt les grandes tablées d'amis, les bons repas et les voyages que les grosses voitures et autres attributs bling-bling. De plus, il déteste les réseaux sociaux et les gens qui ouvrent leur gueule sur tout et n'importe quoi. Mais cela ne l'empêche pas d'être une personne engagée. Il n'a pas attendu le mouvement #MeToo pour dénoncer dans Télérama, à l'hiver 2016, "le sexisme délirant du cinéma français".
Il dénonce le sexisme du cinéma français.
L'actrice est un objet de désir, mais le problème c'est qu'il y a les réalisateurs élégants et les autres. D'ailleurs, dans Le Grand Bain, les personnages les plus forts sont interprétés par des femmes, Marina Foïs, Virginie Efira et Leïla Bekhti, et le scénario du film a été écrit avant 2017. En 2017, il prend position contre Marine Le Pen et dénonce la récupération du film BAC Nord par l'extrême droite. "Je ne veux pas être politisé, mais on peut être acteur et citoyen", déclare-t-il en 2017 dans Paris Match. Il a voté socialiste, ne le ferait plus forcément aujourd'hui, mais son cœur est toujours à gauche et estime en 2019 dans GQ qu'avec le macronisme "on est encore très loin d'un équilibre parfait". Malgré une bonne cinquantaine de films et sa popularité, il n'est pas vraiment intéressé par le fait de partir aux États-Unis comme son pote Dujardin. Il préfère choisir ses films avec soin, comme son dernier, Goliath, dans lequel il joue un avocat engagé dans une lutte contre les pesticides. "Gilles a la chance de pouvoir continuer à regarder autour de lui",confiait son producteur et ami Alain Attal à GQ en 2019. "C'est rare et difficile quand on devient célèbre". Un bon gars, un vrai. Louise Monteil¦
Les amis d'abord
Festif et généreux, Gilles est un gars de bande qui aime les week-ends entre amis et ne lâche pas les gens qu'il aime, quoi qu'il arrive. "J'ai tendance à vivre en meute", avoue-t-il en 2017 dans Elle. "Je suis même l'antithèse du solitaire, je suis convaincu que le partage et la cohabitation sont préférables". Depuis ses débuts, il est toujours très ami avec Tristan Aurouet, avec qui il a débuté, et bien sûr avec Guillaume Canet et Jean Dujardin, les copains de la première heure. Léa Drucker et Leïla Bekhti font également partie de ses fidèles et, depuis peu, Audrey Diwan, Cédric Jimenez et Manu Payet. Pendant dix ans et jusqu'à sa mort le 6 septembre 2021, Gilles a également entretenu une relation très intime avec Jean-Paul Belmondo, qu'il considérait comme son parrain de cinéma.