Si aujourd'hui ce sont Ninho, Orelsan ou PNL qui illustrent le rap en France, Akhenaton fait partie des deux qui ont participé à sa démocratisation en France. A 53 ans, l'ancien membre du groupe IAM s'exprime dans une rare interview de Manu Katché pour son émission "La Face Katché". Outre une rétrospective de sa carrière dans le monde de la musique, Akhenaton, de son vrai nom Philippe Fragione, se livre également sur sa vie privée et familiale.
Né à Marseille dans une famille italienne, Philippe Fragione avait 25 ans lorsqu'il s'est converti à l'islam par amour pour sa femme Aïcha. "Ma femme est noire, arabe et musulmane, c'est un peu le All-Star Game" explique-t-il. Le rappeur explique qu'il a grandi avec cette religion avant même de se marier : "C'est une combinaison des livres que j'ai lus, mais c'est aussi lié à mon environnement. Au milieu des années 80, quand tous tes potes faisaient le ramadan par solidarité, tu ne pouvais pas t'imaginer rentrer à la maison avec ton sandwich et le manger. Alors on jeûnait par respect, par solidarité. Et le soir, on ne faisait que se raconter de belles histoires. Pas de politique, mais les histoires du prophète. Ça sentait le voyage... Je suis venu à la religion par le bon côté des choses : celui du partage".
L'artiste de 53 ans explique ensuite que cette conversation a donné lieu à des discriminations inattendues : "Dans ma génération, nous n'avons pas connu le racisme que subissent les Noirs et les Arabes en France. Je ne peux pas me considérer comme une victime, car j'ai plutôt vécu la discrimination à l'âge adulte, lorsque j'ai épousé ma femme, que j'ai cherché un appartement et que je me suis converti à l'islam. Quand tu es un jeune marié et que tu rentres dans un appartement et que la notice du propriétaire dit "pas de chien, pas de noir, pas d'arabe" ? C'est chaud. Et puis tu vois ta femme, tes enfants et tu te dis : ce n'est pas possible, nous y revoilà".
S'il ne vit pas lui-même le racisme, ses enfants y sont malheureusement confrontés quotidiennement : "J'ai vu la douleur dans les yeux de mon fils qui me dit : "Papa, je suis contrôlé trois fois par jour". Il ne le vit pas très bien, notamment dans ses rapports avec la police et les forces de l'ordre. Il a été placé plusieurs fois en garde à vue sans raison. Moi-même, je n'ai pas vécu ce qu'il a vécu. Mais tu veux t'en mêler parce que c'est ton enfant", explique-t-il. "Avec ma femme et mes enfants, nous en avons toujours parlé. Parce que si tu ne désamorces pas la situation, tu risques d'avoir une réponse à la hauteur de ce qu'ils ont subi, et cela donne des petits très en colère qui peuvent devenir violents", ajoute-t-il.
"Mes enfants se considèrent comme des enfants du monde. Ils ne calculent rien de tout cela, sauf quand on vient avec des contrôles et qu'on le leur rappelle. Je suis triste pour mon pays, mais c'est ici qu'ils ont vécu les pires expériences. Aujourd'hui, mes trois fils la ressentent, cette stigmatisation. Ils veulent partir vivre à l'étranger", conclut-il tristement.